Auteur(s)

François Grünewald

Introduction

« Alors que la communauté internationale respecte des dates butoirs et suit des lignes directrices, les acteurs locaux sont pris ici entre lignes de front et problèmes ethniques. »
Membre du personnel d’une ONG nationale en Birmanie

La Birmanie : une histoire turbulente

La Birmanie ayant traversé différentes crises durant les quatre dernières décennies, sa situation est aujourd’hui particulièrement complexe. A l’heure actuelle, suite au soulèvement des États du nord, un processus de paix est en cours de mise en œuvre mais le conflit est loin d’être résolu. La situation est même encore plus compliquée dans la partie occidentale du pays avec la crise en cours des Rohingyas au sein de l’État d’Arakan, laquelle relève de problèmes spécifiques d’ordre à la fois politique, socio-économique et religieux. De plus, le pays a été régulièrement affecté par des événements climatiques extrêmes depuis le cyclone Nargis en 2008. On trouve ainsi actuellement une combinaison complexe de situations humanitaires et de type LRRD, comprenant des processus de continuum et de contiguum, où la communauté de l’aide se focalise de plus en plus sur le renforcement de la résilience.

Le rôle crucial des acteurs locaux

En Birmanie, une caractéristique importante du contexte est le rôle critique des organisations de la société civile dans la réponse aux catastrophes. Bien évidemment, de nombreuses organisations de la société civile, associations de moines bouddhistes et individus réagissent lorsqu’une catastrophe se produit : la générosité est profondément enracinée dans la culture birmane, comme l’ont montré les vastes réponses menées localement qui ont suivi le cyclone Nargis et les inondations de 2015.

Bien que le gouvernement civil récemment élu et des parts importantes de l’économie continuent d’être contrôlées dans une large mesure par l’armée, les forces démocratiques progressent en Birmanie. Les organisations de la société civile et le secteur privé se sont en effet développés et sont mieux organisés pour répondre aux différentes crises. Celles-ci ont également accumulé beaucoup d’expérience depuis les opérations transfrontalières liées à la résistance politique dans les années 80. Le secteur privé joue lui aussi un rôle important dans la réponse aux catastrophes naturelles. Les entreprises locales, qui suivent beaucoup la tradition bouddhiste visant à « faire le bien », mobilisent toutes sortes de matériels de secours et les envoient sur les lieux de la catastrophe. Toutefois, les mécanismes de réponse semblent être radicalement différents dans des zones comme l’État d’Arakan où la capacité de réponse locale est bien moins développée pour des raisons historiques et politiques.

Comme dans de nombreux pays du sud-est asiatique, les mécanismes de réponse étatiques et para-étatiques ont toujours joué un rôle essentiel dans la réponse aux crises en Birmanie, et la tendance actuelle est celle d’une implication encore plus grande (du ministère des Affaires sociales, des Secours et de la Réinstallation avec ses départements respectifs, l’armée, l’Agence nationale de gestion des catastrophes / Forces de Protection civile et la Croix-Rouge birmane en tant qu’auxiliaire de l’État en période de catastrophe).

La valeur ajoutée clé des ONG nationales et locales sur la plan stratégique reste leur capacité à atteindre des régions où les organisations internationales sont dépourvues d’accès, en particulier les régions du nord affectées par le conflit (États de Kachin et Shan). Les organisations internationales ont ainsi sous-traité leurs activités ou établi des partenariats dans la mesure où les ONG locales de ces zones gèrent la réponse humanitaire à la fois en termes de prestation de service et de plaidoyer. Dans les régions contrôlées aussi bien par le gouvernement que par l’opposition, les organisations confessionnelles sont présentes depuis longtemps et capables de fournir des services indispensables aux populations déplacées. En raison de leur présence de longue date et du savoir local concernant la région et le conflit, la revendication de ces acteurs est légitime pour ce qui est d’obtenir une place centrale dans le dispositif humanitaire.

 

Les différentes facettes de la localisation en Birmanie

Lors de nombreuses réponses humanitaires menées en Asie du Sud-Est, la collaboration du secteur de l’aide avec les gouvernements locaux, les conseils municipaux, les représentants locaux des ministères compétents, l’armée et le secteur privé a été absolument vitale. La Birmanie n’est pas une exception. Pourtant, le débat sur la localisation parmi les ONG internationales tend à négliger ces acteurs, en se concentrant seulement sur la question des partenariats avec les ONG locales. Pour les agences des Nations unies et les bailleurs, un engagement spécifique avec le gouvernement aux niveaux central et décentralisé est néanmoins vu comme essentiel. Les coordinateurs régionaux de l’UNDAC et du bureau de coordination civilo-militaire d’OCHA ont ainsi régulièrement évoqué la question de l’aide humanitaire avec les militaires du gouvernement, en particulier durant des exercices et simulations organisés sous les auspices de l’ASEAN. Cela a grandement aidé le soutien à la mise en place d’un environnement favorable aux organisations de la société civile et à l’aide humanitaire.

En Birmanie, les points de vue diffèrent au sein des organisations internationales quant à la manière dont la « localisation de l’aide » doit être mise en œuvre. Pour un premier type d’organisations, cela signifie que les financements doivent aller aux acteurs locaux de manière à ce qu’ils puissent faire le travail que les acteurs internationaux ne sont plus en mesure de faire. Pour d’autres, travailler avec des acteurs locaux est une bonne façon de faire des économies sur des coûts opérationnels qui, sinon, seraient très élevés. Pour un troisième type, cela signifie soutenir les capacités des acteurs locaux afin qu’ils travaillent avec leurs propres communautés. Enfin, pour un quatrième type d’organisations, l’accès direct aux populations affectées est une partie essentielle de leurs procédures opérationnelles puisqu’elles expriment leur solidarité à travers des relations interpersonnelles et protègent les communautés grâce à leur présence. Les organisations de ce dernier type sont uniquement capables de travailler dans les États du Nord de la Birmanie via leur personnel local et seulement présentes là où elles ont un accès direct aux populations affectées. Elles affirment que leur mandat est purement humanitaire et ne pensent pas avoir de rôle à jouer pour aider les organisations de la société civile à se développer. D’autres organisations ont beaucoup plus l’habitude de travailler avec des partenaires en tant qu’« intervenants de première ligne ». C’est le cas des membres du réseau CARITAS Internationales/CIDSE, comme Trócaire, qui travaillent systématiquement via l’église locale mais aussi en partenariat étroit avec d’autres ONG locales. Ces structures ont une approche à long terme et considèrent que leur rôle principal est d’accompagner l’émergence des organisations de la société civile.

Enfin, la position d’un cinquième et dernier type d’organisations se situe entre les différentes approches décrites ci-dessus, soit pour des raisons pratiques, soit parce qu’elles doivent encore définir leur stratégie en matière de localisation. Cela peut être qualifié d’« approche instrumentale » des partenariats plutôt que de réel engagement au soutien des organisations de la société civile locale. Elles fournissent l’aide de façon directe ou passent par des organisations locales selon la situation au niveau de l’accès, se focalisant prioritairement sur l’efficacité de l’aide humanitaire.

 

Les principaux avantages comparatifs des ONG nationales et locales

En Birmanie, les organisations locales ont souvent apporté une réponse appropriée et rapide, fournissant une assistance dans les 24/48 heures qui suivent une catastrophe. Durant cette période critique, les organisations locales ont l’impression que le système humanitaire international est focalisé sur la préparation des financements des réponses et retardé par des questions logistiques et politiques alors qu’elles sont pleinement impliquées dans la réponse.

 

Besoin de flexibilité dans la réponse aux catastrophes – leçons tirées de la réponse au cyclone Nargis en 2008

Le cyclone de 2008 a fourni un certain nombre de leçons aux ONG locales et aux agences des Nations unies. L’alimentation étant considérée comme un besoin central, la plupart des organisations ont demandé de la nourriture. Mais lorsqu’elles ont entendu que de la nourriture était déjà distribuée par des locaux, les organisations nationales ont alors modifié leurs requêtes initiales de manière à pouvoir mettre en œuvre des programmes WASH. Cela s’est toutefois avéré très difficile car dans des situations à évolution rapide, les besoins évoluent rapidement. Les organisations locales sont capables de s’adapter très rapidement, mais le fait de devoir suivre les règles des bailleurs internationaux peut les en empêcher. Des règles financières et administratives rigides ralentissent ou gênent même la capacité des acteurs locaux à rester agiles.

 

Les ONG locales se déplacent vite, distribuent des ressources et fournissent une assistance non-conventionnelle avant d’avoir toutes les informations sur les besoins demandées par le secteur de l’aide internationale. Elles questionnent le besoin d’utiliser des cadres logiques et des plans de travail lorsqu’aucune information n’est disponible et que le temps est une ressource cruciale. Enfin, elles avancent que la flexibilité doit être au centre de la planification et de la mise en œuvre de l’aide, et que les mécanismes de financement doivent le permettre.

 

Respecter les principes humanitaires : un défi majeur dans le débat sur la localisation en Birmanie

De nombreuses parties prenantes internationales expriment leurs inquiétudes quant au respect des principes humanitaires, en particulier l’impartialité et la neutralité, par les organisations locales. En effet, les organisations locales (organisations communautaires et organisations de la société civile) sont enracinées dans des groupes historiques, culturels et religieux, et doivent leur rendre des comptes de manière formelle ou informelle. A titre d’exemple, les camps de PDI de l’État du Kachin sont souvent peuplés de personnes relevant d’un seul groupe confessionnel puisqu’elles se déplacent jusqu’à l’institution la plus proche qui partage leur croyance . Néanmoins, toutes les organisations locales affirment qu’elles répondent aux besoins humanitaires où qu’ils se trouvent et pas seulement en fonction de l’appartenance religieuse. Elles doivent présenter des rapports au gouvernement pour l’informer de leur travail dans les zones qu’il ne contrôle pas et expliquer en quoi leur réponse est en accord avec les principes humanitaires. Cela signifie également que beaucoup d’efforts sont nécessaires en matière de transparence et de communication, même au niveau des points de contrôle. Par ailleurs, certaines organisations nationales s’interrogent sur la neutralité réelle des agences des Nations unies, car elles ont le sentiment que leurs liens avec le gouvernement sont trop étroits et que la communauté internationale est trop complaisante. Certaines organisations nationales ont également soulevé la question des principes humanitaires qui devaient être le plus respectés : la neutralité et l’impartialité sont-elles plus importantes que l’humanité ?

Enfin, la compréhension de la neutralité et de l’impartialité peut être à questionner dans le contexte du débat sur la localisation : ces principes doivent-ils être appliqués à tous les niveaux, y compris au niveau local, ou doivent-ils seulement l’être à des niveaux supérieurs (par exemple, au niveau de la crise ou du pays) ? En d’autres termes, l’action cumulative de plusieurs organisations communautaires et de la société civile qui travaillent auprès de leurs groupes spécifiques dans une zone donnée atteint-elle un certain niveau d’impartialité et de neutralité dans cette zone ? L’impartialité et la neutralité peuvent-elles être le résultat d’un puzzle d’interventions non neutres ? Certains sont tentés de dire oui même si des recherches réalisées dans d’autres contextes, comme en Somalie, seraient utiles pour déterminer si cela est vrai ou non.

 

L’équilibre du pouvoir

L’argent est une question centrale du débat sur la localisation, au niveau mondial et en Birmanie. L’accès à des financements directs constitue une demande majeure de la plupart des organisations nationales, notamment depuis leur collaboration dans l’État du Kachin pour répondre à la crise des déplacés via la Joint Strategic Team (JST), mécanisme de coordination créé par des acteurs nationaux. Un nombre croissant de fenêtres de financement s’ouvre désormais à eux, comme le Fonds humanitaire pour la Birmanie, l’HARP, le CERF, etc. Malgré cela, certains grands bailleurs humanitaires présents en Birmanie sont toujours peu disposés à financer des organisations nationales et locales de façon directe : les procédures et les mesures de redevabilité contraignantes signifient qu’elles préfèrent généralement financer des organisations internationales (Nations unies et ONG) qui respectent leurs normes de diligence requise. Si ces organisations décident ensuite de travailler avec des ONG locales, elles doivent alors assumer en tant que bénéficiaires le poids des responsabilités financières et juridiques à garantir. Contrairement aux bailleurs humanitaires, certains bailleurs du développement travaillent avec des ONG nationales et locales de façon plus systématique. USAID en a fait une priorité en matière de développement et veut investir massivement dans le renforcement des capacités des organisations de la société civile. Mais ce bailleur n’a pour l’instant réussi qu’à octroyer une seule subvention américaine à une ONG locale, parce que les processus sont complexes et demandent un haut niveau d’expertise juridique et organisationnelle.

Gérer des réponses de grande échelle représente souvent un défi majeur pour les ONG locales qui ont en général une capacité d’absorption limitée. Cela demande également une supervision ou un soutien important même si les plus grandes, notamment celles du JST, essaient de promouvoir l’image d’ONG nationales fortes et capables. Pour les bailleurs, l’une des contraintes est le nombre de projets individuels que gère leur personnel. Les coûts de transaction sont souvent les mêmes pour les petits et les grands programmes. Or, travailler avec des ONG nationales et locales demande souvent une multiplicité de petits contrats qui doivent être gérés par un personnel surchargé au sein des bailleurs. La « solution rapide » pour éviter ces coûts de transaction élevés est souvent de contracter une grande institution, comme une agence des Nations unies ou une grande ONG internationale, afin qu’elle gère toutes les relations contractuelles avec ces ONG locales. Le Fonds de réponse d’urgence pour la Birmanie, géré par OCHA, est l’un de ces mécanismes, mais alors qu’il s’agit d’un fonds pour décaissement rapide en situation d’urgence, il est fortement retardé par un processus lent, fastidieux et bureaucratique. Par conséquent, seules les organisations capables d’avancer les fonds pendant un certain nombre de mois (et ayant la patience de persévérer) peuvent réellement l’utiliser. Les ONG locales ne sont généralement capables d’y accéder que de manière limitée à cause des procédures fastidieuses et des critères d’éligibilité (notamment le fait d’avoir un compte bancaire).

Partout dans le monde, les agences des Nations unies mettent en œuvre leurs programmes via des ONG (nationales et internationales). Garantir une bonne gestion administrative, financière et des ressources humaines, ainsi qu’une redevabilité financière et opérationnelle à la fois descendante et ascendante constitue déjà un défi pour des ONG internationales bien établies. C’est encore plus compliqué pour les ONG nationales et locales, pour lesquelles la compétence et l’implication du personnel, mais aussi la capacité à accéder au matériel informatique et aux logiciels appropriés, est souvent une contrainte importante.

Dans leur quête de redevabilité, les bailleurs internationaux imposent une gestion substantielle, la diligence requise et les exigences de reporting qui concernent déjà l’ensemble du secteur de l’aide : on dénombre aujourd’hui beaucoup plus de responsables des contrats, de chargés de reporting et de chargés de communication que par le passé au sein des organisations internationales. De nombreuses ONG nationales et locales encourraient des risques si ces contraintes leur étaient appliquées. Aussi, l’un des problèmes les plus épineux du débat sur la localisation est celui du pourcentage fixe des budgets qui peut être alloué aux frais de gestion, car il s’agit d’une source essentielle de financement pour aider les ONG à se développer. Certains bailleurs, ONG et agences Nations unies, ont des règles contraignantes quant à la manière dont les frais de gestion devraient être répartis, notamment ce qui peut être alloué à des dépenses directes et indirectes. Cela signifie que les ONG nationales et locales ne sont pas en mesure de développer des mécanismes d’apprentissage ou une forte gouvernance par exemple, qui sont souvent financés par ces frais de gestion.

 

Localisation et architecture humanitaire

Avant le cyclone Nargis, l’action humanitaire en Birmanie était sujette à un régime strict de contraintes et les organisations fournissant l’assistance dans les zones frontalières étaient souvent basées en Thaïlande. La situation a commencé à changer avec le cyclone Nargis et l’ouverture progressive du pays à une arrivée plus importante des acteurs humanitaires et à une meilleure acceptation de l’aide humanitaire de la part du gouvernement. Avant 2009 et le cyclone Nargis, la Birmanie ne comptait pas de résident coordinateur / coordinateur humanitaire (RC/HC). Convaincre le gouvernement à autoriser la création d’un tel poste sur son territoire a été une grande réussite. Depuis cette date, la structuration du secteur humanitaire en Birmanie a évolué. Il était initialement de nature assez traditionnelle, avec un RC/HC, et une équipe humanitaire pays (HCT) principalement composée d’agences des Nations unies et de grandes ONG internationales, mais en 2016, suite à un important travail de lobby, quatre ONG nationales sont devenues membres permanents de la HCT.

Les ONG nationales et locales n’apprécient pas le système de coordination par Clusters car il correspond plus à l’approche en silo des ONG internationales et des agences des Nations unies qu’à leur approche holistique. Les acteurs locaux ne participent pas souvent aux Clusters et aux groupes de travail mis en place par OCHA en raison d’un manque d’intérêt ou d’effectif. De plus, les représentants d’ONG locales à qui nous avons parlé durant l’étude ont indiqué qu’à leurs yeux, l’une des composantes clés de la coordination est le fait de travailler avec les services techniques de l’État et les institutions municipales qui sont bien moins centrales dans l’approche de la coordination adoptée par les organisations internationales.

L’utilisation des réseaux sociaux est devenue une composante clé du secteur de l’information en Birmanie, et les ONG nationales et locales les utilisent beaucoup. Le potentiel de Facebook ou d’autres réseaux sociaux en termes de suivi et de reporting a été plusieurs fois mentionné par des personnes interrogées durant les visites de terrain que nous avons réalisées pour le projet « More than the money ». Cela semble devenir de plus en plus important dans des contextes comme la Birmanie où les acteurs locaux « connectés » sont les principaux fournisseurs de l’aide et où les parties prenantes internationales ont un accès beaucoup plus limité.

 

Le renforcement des capacités

Un investissement important a été fait – et est toujours nécessaire – pour renforcer les capacités des ONG nationales et locales afin qu’elles soient capables de se conformer aux exigences des bailleurs internationaux et aux normes techniques de l’action humanitaire. Les capacités des ONG présentes dans les États du Kachin et de Shan sont aujourd’hui relativement satisfaisantes, mais comme l’ont rapporté plusieurs personnes interrogées, elles sont plus faibles dans le sud du pays et même dans l’État d’Arakan où la présence des acteurs locaux de l’aide est beaucoup plus récente.

Un certain nombre d’expériences réalisées en Birmanie ont montré que le renforcement des capacités ne peut se limiter à la seule formation. Cela nécessite une approche à plusieurs volets comprenant un accompagnement au jour le jour, un partage des savoir-faire, du coaching, de la formation sur le terrain, et du personnel international intégré au sein des ONG nationales et locales. Certaines organisations nationales envoient également du personnel suivre un Master en Europe pour s’assurer qu’elles disposent en interne des connaissances permettant d’appréhender les concepts humanitaires et l’architecture de l’aide. En général, en Birmanie, les relations à long terme sont nécessaires pour établir des liens de confiance et renforcer les capacités des ONG locales au fil des années. Les contrats à court terme et le renouvellement constant d’un personnel international inexpérimenté, qui est une caractéristique fréquente de l’action humanitaire, semblent avoir été évités en Birmanie dans une large mesure, grâce à des contrats à plus long terme qui permettent de conserver le personnel expérimenté dans le pays. Malgré cela, il est important de souligner le problème de la « fuite des cerveaux », du personnel d’ONG locales étant recruté par les ONG internationales, les agences des Nations unies et le secteur privé.

 

Conclusion

En Birmanie, les organisations locales et nationales se sont structurées et veulent aujourd’hui être au centre de la réponse humanitaire, s’appuyant sur leur rôle vital dans la distribution de l’aide. Elles ont notamment réussi à obtenir une place dans l’équipe humanitaire pays aux niveaux national et étatique suite à de nombreuses années de plaidoyer de leur part et de celle de quelques organisations internationales, comme Trócaire Birmanie.
Le dynamisme actuel qui caractérise la question de la localisation permet des innovations en termes de financement, mais aussi de gestion et de coordination de l’aide humanitaire. Il va néanmoins de pair avec des difficultés de différentes natures, lesquelles sont susceptibles d’avoir un impact négatif sur l’image générale de la communauté de l’aide (réputation, principes humanitaires, etc.). Dans les mois et années à venir, la qualité du processus de localisation de l’aide dépendra de nouvelles approches qu’il conviendra de piloter avec soin (flux financiers, procédures de reporting, suivi-évaluation, etc.) et dont il faudra partager les leçons apprises en Birmanie et au-delà.

 

François Grünewald – Directeur général et scientifique, Groupe URD

Cet article s’inspire d’un projet de recherche « Plus que de l’argent :  la localisation en pratique », réalisé pour Trócaire avec l’appui d’Irish Aid.

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