L’approche socio-anthropologique au service de l’analyse des contextes

Le Groupe URD a récemment intégré dans son équipe Florence Chatot, chargée de recherche, référente socio-anthropologie. Les diagnostics en socio-anthropologie sont en effet essentiels pour comprendre les contextes complexes et mouvants dans lesquels sont mis en œuvre beaucoup de projets, et donc pour appuyer les études et évaluations réalisées par le Groupe URD.

Deux premières études sont réalisées au Tchad, pour analyser les déterminants sociaux qui conditionnent l’accès aux soins de santé reproductive et ceux qui influencent la persistance des pratiques de Mutilations Génitales Féminines. C’est aussi sous cet angle que sera réalisé un travail de recherche coordonné par le Groupe URD ans le cadre du projet RESILAC dans les quatre pays du bassin du Lac Tchad. Il visera à identifier les mécanismes endogènes de prévention, médiation et résolution de conflits, et la façon dont ceux-ci ont été impactés – ou non – par les nouvelles dynamiques conflictuelles en cours. L’étude, dont le démarrage est prévu fin Janvier 2020, s’appuiera sur une équipe composée d’universitaires nationaux et reposera sur une approche de recherche socio-anthropologique, permettant de saisir à la fois la complexité des faits à l’échelle régionale et de les expliquer de façon locale et territorialisée.

 

Les objectifs du projet « PASFASS » pour l’autonomisation sociale des femmes tchadiennes

Le Tchad est un pays à faible revenu et à faible Indice de Développement Humain (183ème sur 190 en 2016). Sa population est majoritairement jeune (50,6% de la population a moins de 15 ans) et rurale (75,7%), et les femmes représentent un peu plus de la moitié de la population (50,6%).

Le système de santé tchadien, et notamment sa composante Santé Reproductive Maternelle, Néonatale, Infantile et de l’Adolescent (SRMNIA), souffre de nombreuses faiblesses. Cette défaillance est liée d’une part à (a) des difficultés structurelles (dotation en personnel, compétence des personnels, équipements, consommables, etc.) ; d’autre part, (b)au manque d’adéquation entre l’offre de santé et les besoins résultant d’une méconnaissance des déterminants de la demande en santé reproductive.

C’est dans ce contexte que CARE, BASE et le Groupe URD mettent en œuvre un projet visant à promouvoir l’autonomisation sociale des femmes tchadiennes par un meilleur accès aux services de santé, de planification familiale et la prise en compte des violences basées sur le genre (VBG), incluant les Mutilations Génitales Féminines. Plus précisément, il vise à :

  • Promouvoir la demande des services de Santé Reproductive Maternelle, Néonatale, Infantile et de l’Adolescent (SRMNIA) et de planning familial (PF), et la sensibilisation sur les VBG par l’amélioration des pratiques familiales et une approche communautaire ;
  • Améliorer les conditions de vie des femmes et des filles en particulier par un accès à des soins de qualité, l’amélioration de la prévention et le renforcement de la prise en charge des cas de VBG.
  • Améliorer la connaissance des déterminants sociaux qui influencent l’accès aux soins de SRMNIA dans les provinces du Mandoul et du Logone Occidental, au Tchad.

Le Groupe URD réalise dans le cadre de ce projet des études afin que les parties prenantes impliquées, et en premier lieu les équipes de terrain, les praticiens et les autorités sanitaires, disposent d’une meilleure connaissance des facteurs socio-économiques qui ont un impact significatif sur l’accès aux soins de SRMNIA.

 

Deux premières études socio-anthropologiques pour une meilleure compréhension du contexte

Analyse des logiques sociales qui influencent l’accès aux soins de santé reproductive dans les régions du Logone oriental et du Mandoul (Tchad)

L’objet de l’approche socio-anthropologique est d’identifier les facteurs sociaux qui influencent le recours aux soins de santé reproductive et de rendre compte des pratiques et perceptions que les usagers entretiennent vis-à-vis de de ces services. Puisque le projet vise à promouvoir l’autonomisation sociale des femmes tchadiennes par un meilleur accès aux services de SRMNIA/PF, il est nécessaire de comprendre les déterminants sociaux favorisant ou limitant l’adhésion des bénéficiaires aux activités mises en œuvre à leur intention.

À l’échelle communautaire ou villageoise, les points de vue populaires ne sont pas toujours consensuels car influencés par des conceptions divergentes parfois contradictoires. Ces contradictions et ces divergences au sein d’un même espace social, que ce soit le village, la communauté religieuse, l’école ou la famille doivent être identifiées et comprises comme des composantes contextuelles du projet. Car si le projet s’appuie en partie sur les formes d’actions collectives de l’organisation villageoise (associations villageoises, groupements de femmes par exemple), il ne doit pas sous-estimer les autres formes de tensions et de concurrences qui coexistent au sein même de ces groupes.

Il s’agira donc de comprendre le poids des clivages sociaux (âge, sexe, classe sociale), identitaires ou ethniques qui entrent en jeu dans l’accès aux soins de SR et d’identifier les risques que ces clivages peuvent faire peser sur l’atteinte des résultats du projet.

Analyse des déterminants sociaux qui influencent la persistance des pratiques de Mutilations Génitales Féminines (MGF), plus communément appelée excision

Au Tchad, la prévalence des MGF chez les femmes de 15 à 49 ans est de 38,4 %. Bien que des données descriptives donnent des éléments essentiels sur l’étendue de l’excision au Tchad, elles ne renseignent pas les raisons de la persistance de la pratique ni la fonction sociale et symbolique qu’elle représente dans l’espace familial et communautaire.

L’objectif de l’étude est donc de permettre aux acteurs du projet de disposer d’une meilleure compréhension des facteurs sociaux, économiques et législatifs qui influencent la persistance des MGF dans le Mandoul. Il s’agira, entre autres, de comprendre la fonction sociale et symbolique de l’excision dans la construction identitaire des femmes, de mettre à jour les normes et justifications populaires associées aux MGF, d’analyser les conséquences de la pénalisation sur l’incidence réelle de la pratique, et enfin de mettre à jour les caractéristiques géographiques (urbain/rural), sociales (âge, sexe, classe sociale), identitaires et ethniques qui entrent en jeu dans la persistance des MGF.