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Elise Shea et Meg Sattler

Même si nous sommes fiers des progrès réalisés pour que les perceptions soient une mesure reconnue de la performance humanitaire1, nous affinons constamment nos méthodes et nous nous questionnons pour savoir si nous faisons les choses « correctement ». Nous essayons de faire en sorte que les opinions des personnes affectées par une crise soient entendues, mais nous ne sommes pas toujours sûrs que nos recherches soient basées sur leurs priorités. Nous nous inquiétons également du fait que notre travail lui-même – que les responsables de l’action humanitaire considèrent facilement comme un « mécanisme de redevabilité » – risque d’être utilisé comme une case à cocher pour la redevabilité, qu’il en résulte ou non des changements concrets. Cela signifie-t-il que notre travail perpétue le comportement même que nous cherchons à changer ?

Nos inquiétudes ne s’arrêtent pas là. Lorsqu’il s’agit de décoloniser l’aide, quelles sont les responsabilités d’une organisation spécialisée dans la redevabilité et indépendante comme la nôtre, qui travaille à plusieurs niveaux pour un changement systémique mondial ? Avec notre siège en Autriche, nous sommes conscients que nous pourrions perpétuer les perceptions de la « recherche hélicoptère »2, des études dans lesquelles les chercheurs viennent en avion, collectent des données, repartent en avion, analysent les données ailleurs et publient ensuite les résultats avec une faible implication locale. Quelles sont la structure, l’approche et la combinaison de méthodes idéales pour nous aider à influencer le changement dans la gestion des interventions et aux plus hauts niveaux de la politique humanitaire ? En tant qu’organisation proche de l’aide, les questions relatives au transfert systématique du pouvoir sont différentes de celles des organisations de mise en œuvre. Elles concernent en effet la manière dont nous concevons la recherche, collectons et analysons les données, diffusons les résultats, mais aussi les parties prenantes avec qui nous menons un plaidoyer pour une réforme de l’action humanitaire.

Ce type d’autoréflexion a toujours été – et continuera d’être – le moteur de l’innovation en marge de nos projets. Nous vous invitons à vous joindre à nous et à porter un regard critique sur notre travail afin de trouver de nouvelles possibilités.

 

Pousser à la redevabilité ? Oui. Déplacer le pouvoir ? Peut-être pas.  

Ground Truth Solutions a été fondé pour combler une lacune flagrante dans la manière dont les réponses étaient suivies : l’absence de prise en compte de l’opinion des populations. Nous pensions en effet qu’il serait utile de savoir comment elles vivaient une réponse – dans quelle mesure elles la jugeaient efficace, participative, inclusive et bien gérée. Nous savions que si cela était quantifiable d’une manière ou d’une autre, cela pourrait alimenter la « langue » du suivi humanitaire : les chiffres. La méthodologie s’est inspirée de la recherche sur la satisfaction client, et les thèmes de recherche ont été développés à partir d’un mélange d’objectifs humanitaires spécifiques à chaque pays et de cadres normatifs reconnus comme la Norme humanitaire fondamentale (CHS). Ces cadres s’appuient sur des consultations importantes, telles que le rapport de référence Time to Listen3.

Pour autant, cela ne veut pas dire que les thèmes de recherche sont toujours de la plus haute importance pour les personnes affectées par une crise. Nous sommes prompts à signaler les cas où les acteurs humanitaires ne consultent pas les personnes affectées sur la programmation de l’aide avant sa mise en œuvre, mais nous incluons rarement de manière significative les personnes affectées dans nos processus initiaux de conception de la recherche. Or, c’est important car nous pouvons passer à côté de choses qui pourraient faire émerger des informations importantes. Prenons l’exemple d’Haïti où, sur une intuition, nous avons inclus un thème de question supplémentaire axé sur la transparence. Il s’est avéré que ce thème était non seulement plus important pour nos interlocuteurs que n’importe quel autre thème, mais qu’il conduisait aussi directement à des points d’action pertinents de la part des responsables de la protection civile et de la coordination en Haïti.

Au Burkina Faso, pour recueillir les perceptions des enfants sur l’aide humanitaire, nous avons commencé par une « phase exploratoire » en organisant des discussions de groupe avec les enfants dans le cadre de l’intervention. L’objectif était de comprendre ce qu’ils trouvent important dans leur vie quotidienne et explorer leurs pensées à propos de l’aide humanitaire. Grâce à des guides de discussion généraux, les réactions initiales des enfants ont permis d’orienter la conversation, et leurs priorités serviront de base à la conception d’une phase ultérieure du projet avec les enfants « délégués ». Dans le cadre de notre projet en Ukraine, nous avons consulté les populations sur leurs priorités en matière d’aide afin de nous assurer que les recherches quantitatives et qualitatives étaient basées sur ce que les populations jugeaient le plus important. En outre, notre recherche sur le parcours d’utilisateur en République centrafricaine4, en Irak5, au Liban6et ailleurs consiste en une série d’entretiens qualitatifs visant à comprendre les perspectives et les expériences des populations. Plutôt que des objectifs de recherche prédéterminés, ce sont ces expériences d’utilisateurs – inspirées par la conception centrée sur l’humain – qui guident la recherche. Idéalement, ces processus garantissent que nos études font avancer les priorités des populations et que les actions prises en conséquence sont aussi pertinentes que possible pour améliorer le vécu des populations.

Nous avons appris au fil du temps que la consultation des acteurs humanitaires durant la phase de lancement est absolument indispensable pour établir des relations et garantir l’adhésion (en particulier parce que notre recherche jette rarement une lumière flatteuse sur une réponse). Parfois, cela nous a presque mené trop loin et amené à tomber dans le piège de réaliser des recherches commanditées pour des Clusters spécifiques, ce qui s’éloigne de notre mission. C’est délicat pour nous, car notre organisation accorde une importance primordiale aux personnes affectées par une crise, et non aux organisations. Nos recherches ont montré que, quelle que soit la proximité des acteurs de l’aide avec une communauté, ils représentent rarement les opinions de celle-ci. Beaucoup des humanitaires avec lesquels nous dialoguons sont issus des communautés affectées et peuvent partager des informations précieuses, mais nous ne pouvons pas partir du principe qu’ils représentent les opinions des communautés affectées par les crises. Les humanitaires locaux parleront en fonction de leur position, qui est probablement une position de pouvoir par rapport aux communautés affectées. Lors de la planification de la conception de notre questionnaire dans un pays, les consultants étaient réticents à tester le questionnaire auprès des communautés affectées car ils pensaient que la population n’était pas assez intelligente pour comprendre, mettant en avant leur « connaissance locale » et leur expertise dans le secteur comme prioritaires.

 

Boucler la boucle peut aussi être symbolique

Nos processus d’analyse et de dialogue s’efforcent d’être cycliques : nous partageons l’analyse préliminaire, recueillant et intégrant les commentaires dans l’espoir que les conclusions finales soient un reflet nuancé et précis de ce que pensent les personnes affectées, tout en tenant compte des contraintes auxquelles les acteurs humanitaires sont confrontés. Nous discutons de nos données avec les communautés affectées, pour donner du sens aux données et recueillir des recommandations. Par exemple, au début de l’année 2022, nous nous sommes associés à Fama Films7 au Burkina Faso pour animer une réunion communautaire et avoir un dialogue ouvert sur le fait de savoir si les résultats d’une étude quantitative antérieure reflétaient fidèlement les pensées des gens. Les participants n’ont pas hésité à nous dire quand ils pensaient que nos données étaient dépassées et erronées ou quand elles trouvaient un écho, ce qui nous a permis de corriger ou de clarifier notre analyse.

Dans le passé, nous avons simplement partagé les données avec les communautés, en partant du principe que c’était une « bonne pratique » et en sachant que la plupart des chercheurs ne le faisaient pas. Mais nous avons réalisé qu’à moins d’avoir un objectif clair (par exemple, doter les acteurs locaux de données qu’ils peuvent utiliser), ou de pouvoir rendre compte des changements concrets apportés sur la base des retours des populations, il était inutile de simplement leur dire ce qu’ils nous avaient dit en premier lieu.

Même un processus de dialogue plus engagé peut être extractif. Bien que de tels processus permettent de recueillir des données qualitatives riches pour étayer notre analyse dans le but de rendre les données plus exploitables (et donc d’augmenter les chances que les opinions des populations soient écoutées et que l’aide s’améliore), les communautés peuvent tirer relativement peu de bénéfices de leur participation à ces sessions. Cette réalité a été mise en évidence lors d’une récente réunion avec Fama Films au cours de laquelle les chefs communautaires ont demandé ce qu’il était advenu de leur participation car, selon eux, « rien n’a changé ». Les populations nous disent depuis longtemps qu’elles n’ont pas besoin de nous pour « partager ce que nous avons appris ». Ils savent ce qu’ils ont dit. Ils veulent savoir ce qui a été fait concrètement sur la base de leurs commentaires.

Après avoir mené des études quantitatives et qualitatives en Haïti, notre équipe a discuté des résultats avec les acteurs humanitaires, et les participants ont élaboré des recommandations sur la manière d’agir en fonction des données. Les consultants locaux ont ensuite organisé des sessions de dialogue communautaire avec divers représentants de la communauté pour partager les données quantitatives et qualitatives, ainsi que les recommandations des humanitaires. Les participants à cette session de dialogue ont déclaré qu’ils se sont sentis respectés, mais ils ont aussi insisté sur la manière dont ils utiliseraient ces données et ces recommandations dans leur propre travail communautaire. « Le fait même de partager ces informations signifie beaucoup pour nous car, au moins, nous voyons que certaines organisations respectent les populations. Venir nous voir, c’est un signe de respect ! » a déclaré un dirigeant d’une association de motos-taxis. Un représentant de la Croix-Rouge haïtienne a ajouté : « Je vais utiliser ces recommandations pour me rapprocher de la communauté. Lorsque nous devrons réaliser des activités, nous serons plus attentifs aux commentaires de la communauté ». Il était crucial de revenir vers les populations avec plus que de simples données afin qu’elles puissent comprendre comment leur engagement précédent a été discuté et a contribué au processus de plaidoyer.

 

Des partenariats égaux et responsabilisants

Nous sommes fiers du fait que nous n’avons pas de modèle de croissance, ni de méthode que nous déployons partout. Plutôt que nous installer dans tous les contextes où nous travaillons, de consacrer un temps et des ressources précieux à l’enregistrement et à l’établissement de filiales coûteuses, nous passons généralement un contrat avec des organisations de recherche locales ou des sociétés de collecte de données locales pour soutenir notre plan d’échantillonnage et collecter des données. Les équipes de projet développent de solides relations avec les équipes de recherche locales, et comptent sur elles pour les aider à contextualiser les outils et les méthodologies de recherche. Bien évidemment, les partenaires de collecte de données sont rémunérés selon leurs tarifs et le nom de leur société est mentionné dans les descriptions de la méthodologie, mais leur soutien est généralement désigné comme « prestataire de services de collecte de données » ou « équipe d’enquêteurs ». Nous n’avons pas systématiquement reconnu (ou, en fait, toujours utilisé) leurs contributions8, en termes de connaissances, à la conception et à la mise en œuvre. En outre, nous n’avons pas souvent coécrit de rapports avec les équipes de recherche. La rédaction de rapports est notre point fort, mais l’implication des partenaires locaux dans le processus de rédaction garantira que la « production de connaissances » est partagée, et pas seulement attribuée au personnel du GTS.

Nous avons brisé ce cycle au Bangladesh où, à la suite de la recherche COVID-19 co-dirigée par la Croix-Rouge du Bangladesh, nous nous sommes associés avec l’International Centre for Climate Change and Development (Centre international pour le changement climatique et le développement9), un institut de recherche basé au Bangladesh, pour un projet d’adaptation au climat. De même, notre tout nouveau projet en Afghanistan a été conçu et est codirigé par Salma Consulting, une agence de recherche locale. Et nous postulons actuellement pour un nouveau projet au Nigeria avec des partenaires de recherche locaux comme co-directeurs.

Tout en poursuivant notre objectif de défendre les perceptions des populations affectées dans la prise de décision, nous ne devons pas oublier leurs propres capacités à défendre leurs intérêts. En assumant le rôle de « défenseur » sans partager les données avec les groupes communautaires, nous manquons une étape. Il est de notre responsabilité de nous assurer que nos données peuvent être utilisées par les membres de la communauté, et pas seulement discutées avec eux. Pour notre projet en Haïti, nous avons été enthousiasmés d’apprendre qu’en traduisant notre rapport détaillé en créole et en établissant des relations avec la société civile, les acteurs locaux disposaient d’un outil pertinent pour défendre leurs intérêts et agir.

Tous les pays ont leurs propres écosystèmes de redevabilité, impliquant une série de systèmes, de personnes et d’institutions : universités, médias locaux, organisations de la société civile, militants, think-tanks, etc. L’hyper-focalisation sur les « humanitaires » nous a souvent fait manquer des opportunités de partenariat avec ceux qui sont les plus susceptibles de donner la priorité aux points de vue des communautés ou de demander des comptes au système humanitaire. Il s’agit d’une priorité stratégique depuis un certain temps, mais la pression croissante pour nourrir la « bête » humanitaire et s’assurer de l’adhésion des responsables de la réponse pour qu’ils s’engagent à vraiment écouter les communautés, a laissé peu de temps à nos équipes de projet. Nous savons que nous pouvons faire mieux dans ce domaine.

 

Coopération ou cooptation ?

Après des années de résistance à prendre au sérieux les perceptions des personnes affectées en tant qu’indicateur de l’efficacité d’une réponse, 2018 a vu le système prendre un tournant. Au Tchad, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a veillé à ce que les données de perception que nous avons recueillies soient intégrées dans le Plan de réponse humanitaire (PRH) 2019 et liées aux objectifs stratégiques de la réponse. Les données de perception intégrées dans le document de planification d’une intervention humanitaire ont constitué un grand pas en avant pour la transparence et ont été saluées comme une avancée massive pour garantir que les points de vue des personnes affectées orientent l’intervention. Les perceptions des populations affectées étaient enfin audibles, présentes « sur la carte ». Cette prise de conscience était révolutionnaire. Nous pensions que les choses allaient changer. Cette réalisation nous a incités à plaider pour que les données sur les perceptions soient intégrées dans tous les documents du PRH, afin que toutes les réponses respectent leurs engagements en matière de cycle de programmation humanitaire (HPC). Lentement mais sûrement, nous avons coché cette case dans presque tous les contextes où nous travaillons. Dans de nombreuses réponses, les équipes de coordination nous demandent de mettre en œuvre des enquêtes de perception année après année, afin que les données puissent alimenter les documents annuels du PRH.

Pour autant, des données constamment négatives indiquaient une triste réalité : rien ne changeait vraiment. Les équipes de coordination et les humanitaires pouvaient demander nos données, nous inviter à faire des présentations lors de réunions et insérer des pourcentages dans des documents de planification sur papier glacé, mais personne n’était jamais tenu responsable d’agir sur ces données. Pire encore, nos données étaient attendues et risquaient d’être « cooptées ». Les gens ont en effet commencé à s’attendre à ce que nos données apparaissent parmi de nombreux autres ensembles de données pour alimenter le HRP, ce qui a diminué l’« effet de choc ». Il s’agissait simplement de cocher une case, et non de mettre en lumière les opinions des communautés. Dans le même temps, l’intégration des données de perception dans les HRP – même si les réponses étaient accablantes, et même si rien n’était fait pour les améliorer – permettait à la coordination de créer l’illusion qu’elle était à l’écoute des communautés. Soudain, nous avons réalisé que nous étions peut-être en train de « créer un écran de fumée ». Plutôt que de réformer le système, et si nous étions en train de lui permettre de rester le même ? Nos enquêtes de perception, ainsi que les groupes de travail et les activités relavant de la redevabilité envers les populations affectées, ont ainsi servi à créer un masque que les réponses nationales pouvaient porter année après année, en prétendant être redevables.

Écœurés par la façon dont nos recherches favorisaient l’apathie, nous avons commencé à chercher frénétiquement les raisons pour lesquelles personne n’agissait sur les données de perception. Comme de nombreux acteurs du secteur qui se grattaient la tête en se demandant pourquoi rien ne s’améliorait, nous avons conclu que les incitations constituaient une grande partie du problème. Les humanitaires aux niveaux mondial, national et organisationnel ne sont pas incités à agir en fonction des retours des populations. Nous constatons que les Équipes humanitaires pays (HCT) ne sont pas souvent motivées de manière à coordonner les Clusters ou les organisations pour agir sur les perceptions publiées. Convoquer la CICG (Inter-Cluster Coordination Group) est très bien en soi, mais oubliez le suivi de cette réunion. Il arrive même que les HCT lèvent les bras au ciel, affirmant qu’elles n’ont pas le pouvoir de demander des comptes aux organisations opérationnelles une fois que nos données sont sur la table. Dans le même temps, ces dernières aiment pointer du doigt leurs bailleurs de fonds, affirmant qu’un financement à court terme et/ou non-flexible les empêche de s’adapter aux préférences des personnes affectées et entrave la redevabilité.

Pour contrer les risques de cooptation des données et d’opposition, nous avons de plus en plus renforcé notre plaidoyer aux niveaux national et mondial afin de garantir que nos rapports ne fassent pas que s’empiler les uns à la suite des autres sur ReliefWeb. Il est loin le temps où la publication de rapports et leur partage avec les équipes d’intervention constituaient le périmètre et la norme de notre plaidoyer. Un meilleur plaidoyer n’a rien de sorcier. Les conversations à huis clos nous permettent d’entendre les défis auxquels les clusters, les agences et les organisations font face pour être redevables et le soutien dont ces acteurs ont besoin. Cette approche nous permet d’être au courant de toutes les facettes de l’argumentaire : lorsque les organisations pointent du doigt les bailleurs de fonds, trois doigts sont normalement pointés sur eux en retour. Armés de données sur les excuses des autres pour ne pas être redevables, nous utilisons ces espaces isolés et « plus sûrs » – où plus de gens écoutent réellement – pour faire pression sur l’adoption des résultats.

Nous nous lançons également dans du plaidoyer de nature plus « publique ». Nous le faisons avec prudence, car notre plaidoyer derrière les portes reste notre plus grande réussite, et nous devons également avoir une relation de confiance avec les décideurs pour que le plaidoyer public fonctionne ; nous devons choquer, pas aliéner. Cependant, nous ne pouvons nous empêcher de remarquer que pour la protection contre l’exploitation et les abus sexuels (PSEA), une autre priorité humanitaire, ce sont les médias qui ont fait avancer les objectifs. Nous nous demandons s’il n’en va pas de même pour la redevabilité et l’efficacité de l’aide humanitaire. Certains de nos efforts ont donné des résultats prometteurs. Une collaboration avec The New Humanitarian10 nous a aidés à rendre publiques des données sur Haïti, en sensibilisant le public à un niveau national et international, ce que nous avons eu du mal à faire ailleurs. De même, le fait de conseiller Mark Lowcock dans ses dernières déclarations11 en tant que coordinateur des secours d’urgence a permis de relancer un débat mondial sur la redevabilité réelle au plus haut niveau.

 

Pour « disrupter » le système, il faut travailler en son sein

Parfois, nous pouvons nous sentir limités par le système que nous essayons de changer. Le fait de dépendre largement du financement de projets par des allocations humanitaires peut limiter notre capacité à planifier la recherche et le plaidoyer à long terme, tout comme cela peut empêcher les humanitaires d’aller au-delà de l’aide vitale pour trouver des solutions durables. Pourtant, nos partenaires financiers sont des alliés stratégiques clés qui permettent aux personnes affectées de faire entendre leur voix dans l’ensemble du système et d’influencer les décisions politiques. Pour « disrupter » le système, nous devons continuer à travailler en son sein tout en restant suffisamment indépendants pour assurer une fonction d’« audit ». Cela nous oblige à rester vigilants.

Même si nous avons des raisons de nous demander si nous faisons les choses « correctement », le fait de savoir que l’action humanitaire peut sembler de plus en plus redevable tout en manquant d’incitations à un réel changement est une motivation puissante pour continuer à faire pression à tous les niveaux afin que les voix des communautés soient entendues. Nous refusons de voir notre travail « sauver les apparences » de la redevabilité et espérons qu’en nous opposant à la stagnation des réformes par un plaidoyer rigoureux et multiforme, nous pourrons influencer un changement réel et progressif, jusqu’à ce que l’action humanitaire soit déterminée par le pouvoir d’agir, les préférences et les priorités des personnes affectées par une crise.

 

Elise Shea, coordinatrice des stratégies de plaidoyer et Meg Sattler, directrice générale de Ground Truth Solutions

  1. https://groundtruthsolutions.org/2022/09/28/a-decade-in-the-trenches-of-accountability-and-so-much-still-to-accomplish/
  2. https://theconversation.com/helicopter-research-who-benefits-from-international-studies-in-indonesia-102165
  3. https://www.cdacollaborative.org/publication/time-to-listen-hearing-people-on-the-receiving-end-of-international-aid/
  4. https://groundtruthsolutions.org/wp-content/uploads/2021/10/CAR-GTS-CASH-report-ENG-1.pdf
  5. https://groundtruthsolutions.org/wp-content/uploads/2021/10/Falling-through-the-cracks-_-GTS-_-CCI-2021.pdf
  6. https://groundtruthsolutions.org/wp-content/uploads/2021/10/GTS_CAMEALEON_user_journeys_report_052021.pdf
  7. https://www.facebook.com/famafilms226/
  8. https://journals.plos.org/ploscompbiol/article?id=10.1371/journal.pcbi.1009277
  9. https://www.icccad.net/
  10. https://www.thenewhumanitarian.org/analysis/2022/04/04/haiti-wide-gap-between-aid-promise-and-reality
  11. https://www.theguardian.com/global-development/2021/apr/21/humanitarian-failing-crisis-un-aid-relief

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p. 10-21.